Club-deal : illustration du risque de qualification de FIA
La décision SAN-2025-08 de la Commission des sanctions de l’Autorité des Marchés Financiers vient illustrer les critères de requalification d’un club-deal en Fonds d’Investissement Alternatif (FIA).
Pour mémoire, constituent des FIA les fonds (hors OPCVM) qui « lèvent des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs en vue de les investir, dans l’intérêt de ces investisseurs, conformément à une politique d’investissement que ces FIA ou leurs sociétés de gestion définissent. » (art. L. 214-24 du Code monétaire et financier). N’importe quelle société qui répond à ces conditions peut être qualifiée de FIA (catégorie « autres FIA »). La qualification de FIA entraîne d’importantes obligations (être gérée par une société de gestion de portefeuille, désigner un dépositaire, informer l’AMF etc.).
Une société de gestion de portefeuille (SGP) avait créé deux club-deals sous forme de sociétés par actions simplifiées, qui avaient pour activité l’acquisition d’hôtels (foncière et société d’exploitation). L’un de ces club-deals regroupait 14 investisseurs, l’autre 7 investisseurs.
Contrôlée par l’AMF, la SGP s’était vue reprocher le non-respect de la réglementation des FIA à raison de ces deux club-deals.
Pour sa défense, la SGP contestait que les club-deals soient des FIA.
Saisie de ces contestations, la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers examine, un par un, chaque critère de qualification tels que définis par la position AMF 2013-16 : les FIA sont (i) des organismes de placement collectif (ii) qui lèvent des capitaux après d’un certain nombre d’investisseurs (iii) conformément à une politique d’investissement définie.
- Qualification d’organisme de placement collectif (AMF 2013-16, 3°)
Ce critère se subdivise en trois sous-critères :
- 1. L’absence d’objet commercial ou industriel général
Pour mémoire, constitue un objet commercial « la poursuite d’une stratégie se caractérisant, par exemple, par la conduite à titre principal (…) d’une activité commerciale impliquant l’achat, la vente et/ou l’échange de biens ou de matières premières et/ou la fourniture de services non financiers » (AMF 2013-16, 1°)
La Commission estime que l’objet des club-deals n’était pas commercial, mais « la gestion d’un placement susceptible de procurer des rendements financiers » :
- L’objet statutaire était « la participation de la société, par tous moyens, directement ou indirectement, dans toutes opérations pouvant se rattacher à son objet par voie de création de sociétés nouvelles, d’apport (…) dans toutes sociétés à prépondérance immobilière. »
- Les conventions d’assistance entre la SGP et les sociétés prévoyaient que celles-ci regroupaient des investisseurs pour acquérir indirectement des participations dans des sociétés cibles ;
- Les plaquettes commerciales précisaient le délai moyen de détention, le ticket d’entrée, le TRI cible et les avantages fiscaux dont pouvaient bénéficier les investisseurs.
- 2. La mutualisation des capitaux levés auprès des investisseurs aux fins d’un investissement réalisé en vue de générer un rendement collectif pour les investisseurs
La Commission estime cette condition remplie eu égard :
- à la mention du TRI cible dans la documentation commerciale,
- à l’existence d’un mécanisme de partage de la valeur ajoutée avec le gestionnaire au-delà du TRI cible.
- 3. Les investisseurs n’exercent pas un pouvoir discrétionnaire sur les opérations courantes (AMF 2013-16, 1°).
La Commission relève qu’au-delà des droits habituels des associés (approbation des comptes, affectation des résultats etc.), ces derniers disposent de droits spécifiques :
- Compétence de l’AG pour accepter une offre d’acquisition des actifs de la société, l’AG pouvant être réunie, soit par le président, soit par les investisseurs représentant la moitié du capital social.
- Après une période d’inaliénabilité, chaque associé peut demander la mise en vente des actifs de la société
- Avant l’échéance de la période d’inaliénabilité, un comité de direction statue, à la demande du Président, sur les offres d’acquisition des actifs de la société.
La Commission rappelle que le pouvoir discrétionnaire des investisseurs doit être direct et continu. En l’occurrence :
- Elle estime que ce pouvoir est bien continu, chaque associé pouvant solliciter la mise en vente des actifs à l’issue d’une période d’inaliénabilité de 7 ans sans que le Président ne puisse refuser cette demande.
- En revanche, elle écarte le caractère direct de ce pouvoir en raison de l’impossibilité de statuer sur une offre d’acquisition des actifs sans que l’AG ne soit convoquée par le président ou par la majorité des associés, alors même que les membres du comité de direction peuvent débattre et adopter des décisions importantes.
2. Levée de capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs (AMF 2013-16, 5°)
La commission relève que les sociétés ont réalisé des augmentations de capital, auxquelles ont souscrit respectivement 14 et 7 personnes, ce dont il résultait que cette condition était remplie.
3. Politique d’investissement définie (AMF 2013-16, 6°)
La « politique d’investissement définie » se caractérise par un faisceau d’indices, notamment : politique d’investissement fixée à l’avance ou faisant référence à des orientations précises, figurant dans la documentation statutaire ou commerciale, contraignante pour le gestionnaire.
La Commission estime qu’une politique d’investissement était définie préalablement à la souscription des investisseurs : il résultait des statuts, des conventions d’assistance et des plaquettes commerciales qu’étaient définis de manière précise, pour chaque société le type et la zone géographique des actifs, la stratégie poursuivie et la période minimale de détention.
L’ensemble des critères de qualification de FIA étant présents, la Commission estime que la SGP a manqué à ses obligations réglementaires.
Pour mémoire, la violation du régime applicable aux FIA peut entraîner l’application de sanctions particulièrement lourdes (administratives et pénales).
AMF Commission des Sanctions, décision SAN-2025-08, 9 septembre 2025