SCCV : les appels de fonds ne sont pas des apports en compte courant
Les sociétés civiles de construction-vente sont dotées d’un régime juridique particulier destiné à protéger les acquéreurs des biens que la SCCV a pour objet de construire et de vendre.
Notamment, l’article L. 211-3 du Code de la construction et de l’habitation prévoit une obligation particulière, à la charge des associés, de « satisfaire aux appels de fonds nécessaires à l’accomplissement de l’objet social » qui seraient indispensables pour exécuter les contrats de vente passés par la société (obligation sanctionnée par la possibilité de saisir et mettre en vente publique les parts de l’associé défaillant).
Néanmoins, la loi ne précise pas la nature juridique de ces versements, de sorte que la pratique a pu hésiter entre l’apport en capital et en compte courant. Bien entendu, les conséquences sont importantes, notamment puisque l’apport en compte courant, créance sur la société, est remboursable à tout moment (sauf accord contraire des parties).
Dans un arrêt du18 juin 2025, la Cour de cassation s’est prononcée sur ce point.
On passera sur le contexte particulièrement contentieux de l’affaire pour n’en retenir que ceci : l’associé qui avait répondu à des appels de fonds en application de l’article L. 211-3 du CCH en réclamait le remboursement à la SCCV (en l’occurrence, l’inscription au passif de la SCCV en liquidation), ce que la Cour d’appel avait accepté.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel :
Vu les articles L. 211-2 et L. 211-3 du code de la construction et de l’habitation :
(…)20. Pour accueillir la demande de fixation de la créance de la société Sobefi au titre de son compte courant d’associé au passif de la Sccv Glorieuses, l’arrêt (…) retient que le bilan de l’exercice 2012 de la Sccv Glorieuses mentionnait l’existence de ce compte courant d’associé pour la somme réclamée et que le débit de ce compte courant de la Sccv Glorieuses au profit de la société Sobefi était antérieur à son éviction. Il ajoute qu’une fois l’opération immobilière litigieuse « Les Mercuriales » achevée, les associés étaient fondés à récupérer les apports en compte courant si les comptes sociaux le permettaient et l’établissaient, de sorte que le plan de continuation de la Sccv Glorieuses devait prendre en compte le compte courant d’associé de la société Sobefi à hauteur des sommes réclamées.
21. En statuant ainsi, alors que la société Sobefi, qui devait, en sa qualité d’associée, répondre aux appels de fonds nécessaires à l’accomplissement de l’objet social, n’était titulaire que de droits sociaux et restait, dès lors, tenue du passif social à hauteur de ceux-ci, lesquels n’étaient, dès lors, pas soumis à la procédure de vérification, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
En conséquence, les sommes versées en réponse aux appels de fonds réalisés en application de l’article L. 211-3 du CCH ne sont pas des apports en compte courant et ne sont donc pas remboursables par la société. Ils constituent des apports non capitalisés qui s’ajoutent aux parts sociales, sans toutefois se confondre avec elles.
Cet arrêt confirme une jurisprudence antérieure (Civ. 3e, 12 mai 1993 n° 90-18.578) par laquelle la Cour avait jugé que l’associé « n’avait pas la qualité de créancier de la société, les sommes figurant à son compte courant ne correspondant pas à des versements facultatifs, mais à l’exécution de ses obligations d’associé ».