Droit des sociétésVeille juridique

Sociétés en formation : (encore et toujours) attention au formalisme

Il est possible de faire reprendre par une société les actes passés pour son compte avant son immatriculation. L’article 6 du décret 78-704 prévoit en effet que les actes accomplis pour le compte de la société en formation peuvent être repris par celle-ci, après son immatriculation selon l’une des modalités qu’il énonce (état des actes annexé aux statuts, mandat donné par les associés ou reprise par une décision collective, le Code de commerce prévoyant des dispositions similaires, art. L. 210-6 et R. 210-5 et suivants).

Par un arrêt du 29 novembre 2023, la Cour de cassation avait assoupli sa jurisprudence sur la notion « d’acte accompli pour le compte de la société en formation », privilégiant la recherche de la volonté des parties sur la lecture littérale de l’acte (qui, auparavant, justifiait l’annulation de l’acte passé « par » la société non encore immatriculée puisque dépourvue de personnalité juridique).

Mais, quand bien même les parties auraient souhaité que l’acte engage la société une fois celle-ci immatriculée, la reprise de cet acte par la société ne peut que résulter de l’une des modalités de reprise prévues par le décret, ce que la Cour est venue rappeler par un arrêt du 18 juin 2025.

En l’espèce, l’administrateur d’une société en redressement judiciaire avait contesté que soit mise au passif d’une société une créance de prêt, au motif que le contrat n’avait pas été repris par la société postérieurement à son immatriculation. Débouté en appel, le créancier forma un pourvoi en cassation, estimant que la reprise de l’acte litigieux résultait de la seule volonté des parties.

La Cour de cassation rejette cette interprétation du demandeur et confirme la position de la Cour d’appel :

8. La reprise d’un acte accompli au cours de la période de formation d’une société ne peut résulter du seul accord ou de la seule volonté, à les supposer établis, des parties de substituer la société à la personne qui a souscrit l’engagement, mais doit satisfaire aux conditions requises par les dispositions législatives et réglementaires régissant spécifiquement les modalités de reprise des engagements souscrits au nom ou pour le compte d’une société en formation.

Ainsi que nous l’avions souligné à l’époque, il ne faut pas se méprendre sur l’assouplissement jurisprudentiel de novembre 2023 : seule la preuve de ce que l’acte a été passé pour le compte de la société en formation a été assouplie. En revanche, la procédure de reprise elle-même reste inchangée (la décision de la Cour n’ayant évidemment pas rendu le décret caduc), et il convient donc systématiquement de recourir à l’une des modalités prévues par le décret.

Cass. Com, 18 juin 2025 n° 24-14.311

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *