SCI : comment décider la mise à disposition gratuite d’un immeuble ?
Les pouvoirs du gérant de la SCI sont au centre d’une jurisprudence abondante, notamment lorsqu’il s’agit de vendre un immeuble de la société (voir par exemple notre article sur ce sujet). Mais dans l’arrêt de la Troisième chambre civile de la Cour de cassation du 2 mai 2024, l’enjeu tournait autour de la mise à disposition gratuite d’un immeuble au profit d’un associé.
Une SCI avait été constituée entre deux conjoints, l’un d’eux (associé minoritaire) étant le gérant. La SCI avait consenti un bail commercial sur le rez-de-chaussée de l’immeuble à une autre société dirigée par le gérant. Elle avait ensuite consenti un prêt à usage (à titre gratuit) à ce gérant, portant sur les étages de l’immeuble. Par suite de la brouille entre les associés, le gérant minoritaire avait été révoqué, et la SCI avait demandé judiciairement l’annulation du prêt à usage consenti à l’ancien gérant.
La Cour d’appel ayant prononcé cette annulation au motif que l’objet social de la SCI ne prévoyait pas la mise à disposition gratuite d’un bien à un associé.
La Cour de cassation rejette le pourvoi sous les motifs suivants :
8. La cour d’appel a énoncé à bon droit que, lorsque les statuts d’une SCI n’indiquent pas dans l’objet social la faculté de mettre un immeuble dont elle est propriétaire à la disposition gratuite des associés, cette mise à disposition ne peut être décidée par le gérant seul et doit être autorisée par l’assemblée générale des associés, statuant dans les conditions prévues pour la modification des statuts.
9. Ayant relevé que l’objet social ne précisait pas expressément que les biens de la SCI pourraient être mis gratuitement à la disposition des associés, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche inopérante, a légalement justifié sa décision.
Si la première partie de la proposition est classique (pour mémoire, l’article 1849 du Code civil dispose que « dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l’objet social« ), la seconde est plus intéressante : l’autorisation de l’assemblée générale doit être donnée dans les mêmes conditions que si elle était appelée à modifier les statuts (conditions fixées par les statuts ou, à défaut, unanimité des associés, article 1852 du Code civil). L’assemblée générale est appelée, non à autoriser un acte entrant dans l’objet social mais dont les statuts prévoient (à titre de règle interne, article 1848 al. 3 du Code civil) qu’il requiert un accord préalable des associés, mais pour pallier un silence de l’objet social (à défaut de le modifier expressément). C’est donc au pacte social lui-même que l’on touche.
La solution est transposable aux autres situations (notamment la vente de l’immeuble, cf. supra) où la société doit passer un acte non prévu par l’objet statutaire.