Direction d’une SAS : un acte extra-statutaire ne peut (toujours) pas déroger aux statuts, mais…
On se souvient que, par arrêt du 12 octobre 2022 (voir notre article), la Chambre commerciale de la Cour de cassation avait jugé que :
« il résulte de la combinaison des articles L. 227-1 et L. 227-5 du Code de commerce que les statuts de la SAS fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée, notamment les modalités de révocation de son directeur général. Si les actes extra-statutaires peuvent compléter ces statuts, ils ne peuvent y déroger ».
Deux nouveaux arrêts du 9 juillet 2025 sont venus préciser les contours de cette jurisprudence.
Dans la première affaire, les statuts de la SAS stipulaient que le directeur général pouvait être révoqué par le président à tout moment, sans avoir à justifier de juste motif. Les associés avaient désigné un DG et avaient, par une décision unanime, restreint les cas de révocation. Le président avait par la suite révoqué le DG et ce dernier se prévalait de la décision unanime des associés pour demander réparation.
La Cour d’appel avait fait droit à ses arguments : quand bien même la décision unanime des associés n’avait pas expressément modifié les statuts, elle devait prévaloir sur les stipulations de ces derniers.
La Cour de cassation casse l’arrêt par un attendu de principe dont les termes reprennent largement ceux d’octobre 2022, tout en les précisant :
« Vu les articles L. 227-1 et L. 227-5 du code de commerce :
7. Il résulte de ces textes que les statuts de la société par actions simplifiée fixent les conditions dans lesquelles celle-ci est dirigée, notamment les modalités de révocation de ses dirigeants. Si une décision des associés peut compléter les statuts sur ce point, elle ne peut y déroger, quand bien même aurait-elle été prise à l’unanimité. »
Une solution bien sévère puisque, s’étant prononcée à l’unanimité, la collectivité des associés aurait parfaitement pu modifier les statuts…
Com. 9 juillet 2025 n° 24-10.428
Dans la seconde affaire, à l’occasion du rachat d’une SAS, les associés majoritaires de l’un des acquéreurs s’étaient engagés, dans un protocole d’investissement, à faire désigner une personne physique en qualité de DG en lui assurant une indemnisation au cas où il serait révoqué avant l’expiration d’un délai de deux ans. Plus précisément, le protocole stipulait que les associés « s’engageaient à faire le nécessaire afin que » la SAS lui verse une indemnisation dans certains cas.
Le DG avait été révoqué dans ce délai et se prévalait de cet engagement pour solliciter l’indemnisation convenue, non pas à l’encontre de la société, mais des associés signataires du protocole. La Cour d’appel avait rejeté sa demande comme contraire à la clause statutaire qui prévoyait que le DG était révocable à tout moment et sans motif.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel :
Vu l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 :
12. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
13. Pour rejeter la demande en paiement formée par [le DG révoqué] contre [les associés], l’arrêt retient que l’article 2.1 du protocole d’investissement du 31 mai 2016 n’est pas applicable en ce qu’il est contraire à l’article 16 des statuts de la [SAS], lequel stipule que le directeur général est révocable sans aucune indemnité.
14. En statuant ainsi, alors que cette disposition extra-statutaire ne renferme qu’un engagement personnel des signataires du protocole d’investissement de faire le nécessaire pour que la décision de nomination [du DG] en qualité de directeur général de la [SAS] prévoie le versement d’une indemnité forfaitaire en cas de révocation ou de réduction de ses pouvoirs avant l’expiration d’un délai de deux ans, de sorte qu’elle n’est pas contraire à l’article 16 des statuts de la [SAS], la cour d’appel a violé le texte susvisé.
A la différence de l’arrêt cité plus haut, la demande n’était pas dirigée contre la société sur le fondement d’une décision sociale (ni d’un acte extra-statutaire comme dans l’arrêt de 2022), mais contre les associés sur le fondement d’un contrat librement formé et, par conséquent, juridiquement valide.