Distribution du report bénéficiaire : tour de vis de la Chambre commerciale
La Chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu une décision, dont la sévérité peut surprendre, en matière de distribution par les associés d’une société commerciale du report à nouveau bénéficiaire.
Les faits étaient les suivants : les associés d’une SAS avaient approuvé les comptes de l’exercice 2016 et décidé l’affectation du bénéfice au compte « report à nouveau ». Ils avaient, quelques semaines plus tard, consenti une promesse de cession de l’intégralité de leurs actions à un tiers. Préalablement à la réitération de la cession, les associés avaient décidé la distribution de dividendes prélevés sur le report à nouveau décidé lors de l’AG précédente. La vente des actions avait ensuite été réitérée, sans toutefois que les dividendes n’aient été payés. Les cédants avaient donc assigné la société en paiement des dividendes.
La Cour d’appel avait rejeté la demande au motif que, le montant des capitaux propres étant inférieur au montant du capital augmenté des réserves non distribuables, il ne pouvait être procédé à la distribution de dividendes (article L. 232-11, al. 3 du Code de commerce).
La Chambre commerciale de la Cour de cassation casse l’arrêt en reprochant à la Cour d’appel d’avoir rejeté l’action en paiement des dividendes sans avoir préalablement constaté la nullité de l’assemblée générale ayant décidé la distribution de ce dividende.
Or, rappelle la Cour de cassation :
14. Aux termes de l’article L. 232-11, alinéa 1er, du code de commerce, le bénéfice distribuable est constitué par le bénéfice de l’exercice, diminué des pertes antérieures, ainsi que des sommes à porter en réserve en application de la loi ou des statuts, et augmenté du report bénéficiaire.
15. Aux termes de l’article L. 232-12, alinéa 1er, de ce code, après approbation des comptes annuels et constatation de l’existence de sommes distribuables, l’assemblée générale détermine la part attribuée aux associés sous forme de dividendes.
16. Il résulte de la combinaison de ces textes, lesquels sont impératifs, que le report bénéficiaire d’un exercice est inclus dans le bénéfice distribuable de l’exercice suivant et que, par voie de conséquence, seule l’assemblée approuvant les comptes de cet exercice pourra décider son affectation et, le cas échéant, sa distribution. Il s’ensuit qu’encourt la nullité la délibération d’une assemblée générale autre que celle approuvant les comptes de l’exercice et décidant la distribution d’un dividende prélevé sur le report à nouveau bénéficiaire d’un exercice précédent.
De cette décision, on retiendra :
1° que le report à nouveau participe de plein droit au résultat de l’exercice suivant.
2° qu’il n’est assimilé ni à une réserve (qui pourrait faire l’objet d’une distribution exceptionnelle),
3° que le report à nouveau n’est pas non plus, comme on le dit parfois, une absence d’affectation, à laquelle on pourrait remédier avant l’approbation des compte de l’exercice suivant.
3° que seule resterait la possibilité d’une distribution sous forme d’acompte sur dividende, selon la procédure prévue à l’article L. 232-12, 2e alinéa, qui requiert qu’un bilan ou une situation intermédiaire, certifié par un commissaire aux comptes, fasse apparaître que la société a réalisé un bénéfice distribuable.