Cession d’entreprise : intérêt et limites des audits préalables
Préalablement à toute cession d’entreprise, le vendeur met à disposition de l’acquéreur pressenti l’ensemble des informations permettant à celui-ci d’exprimer un consentement éclairé. Chaque partie a en effet l’obligation de révéler à l’autre toute information dont l’importance est déterminante pour son consentement (art. 1112-1 du Code civil). D’où l’intérêt des audits préalables.
Dans un arrêt récent, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a apporté une précision intéressante sur la portée de ces audits.
Des associés avaient signé une lettre d’intention portant sur la cession de leur société pour un prix estimatif, déterminé au vu des bilans des trois exercices précédents. Les audits comptables réalisés par la suite avaient révélé que les provisions pour créances douteuses, si elles étaient bien portées dans les comptes, avaient néanmoins été insuffisamment dotées. L’acquéreur pressenti avait alors proposé une réduction du prix de cession, ce que les vendeurs ayant refusé, ils avaient rompu les négociations.
L’acquéreur pressenti avait porté l’affaire en justice, invoquant des manquements à l’obligation de négocier de bonne foi (Code civil, art. 1112) et à l’obligation d’information précontractuelle (art. 1112-1 supra). Les juges du fond avaient rejeté l’ensemble de ses prétentions.
La Cour de cassation rejette le pourvoi : l’acquéreur pressenti avait eu accès aux comptes annuels des trois exercices précédents, il avait pu réaliser ses audits de due diligence, une data room et une salle de question-réponse avaient été mis en place et la liste des créances douteuses et des taux de dépréciation lui avaient été adressés. Elle retient que :
« En l’état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que [l’acquéreur], qui a eu accès à l’ensemble des informations comptables relatives aux créances douteuses, a été mis en mesure d’en apprécier la valeur, la cour d’appel a pu retenir, sans avoir à procéder à la recherche prétendument omise dès lors qu’étaient sans emport les divergences des parties à la négociation sur la fixation du taux de dépréciation de ces créances, que [les vendeurs] n’avaient pas manqué à leur obligation d’information précontractuelle. »
Si l’acquéreur avait eu accès à toutes les informations requises par la loi, c’est seulement la méthode comptable suivie par les cédants (taux de dépréciation des créances douteuses), dont l’acquéreur avait eu connaissance, qui était contestée. Dans la mesure où la lettre d’intention n’engageait pas les parties à conclure le contrat, mais seulement à négocier de bonne foi, les cédants avaient bien respecté leur obligation et n’étaient pas tenus d’accepter la baisse de prix proposée par l’acquéreur.