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SAS : une décision collective ne peut être adoptée qu’à la majorité

La liberté laissée aux statuts pour définir les compétences des organes d’une SAS n’est pas sans limites.

Notamment, l’article L. 227-9 du Code de commerce dispose que « les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu’ils prévoient » (al. 1er), certaines attributions (décisions relevant de l’AGE en matière de sociétés anonymes) devant nécessairement être dévolues à la collectivité des associés (al. 2).

Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, les statuts de la SAS prévoyaient que « les décisions collectives des associés [étaient] adoptées à la majorité du tiers des droits de vote des associés, présents ou représentés, habilités à prendre part au vote considéré ». C’est ainsi qu’une augmentation de capital avait été votée, par une décision n’ayant recueilli qu’environ 45% des voix exprimées.

Se posait la question de savoir si l’augmentation de capital avait pu être décidée à la minorité, c’est-à-dire par un nombre de voix favorables inférieur aux voix défavorables.

Saisie par des associés dissidents, la Cour d’appel de Paris avait initialement rejeté leur demande d’annulation de la résolution.

Dans un premier arrêt du 19 janvier 2022, la chambre commerciale de la Cour de Cassation, cassant l’arrêt d’appel, posait le principe selon lequel « les résolutions d’une SAS ne peuvent être adoptées par un nombre de voix inférieur à la majorité simple des votes exprimés » : il fallait « instituer une règle d’adoption des résolutions soumises à l’examen collectif des associés qui permette de départager ses partisans et ses adversaires ». A défaut, une même résolution aurait pu être à la fois adoptée et rejetée.

Sur renvoi après cassation, la Cour d’appel de Paris persistait dans son analyse : les statuts « ne [prévoyaient] pas l’adoption des décisions collectives selon une règle de majorité, nonobstant le terme maladroitement emprunté, mais selon une condition de seuil, la résolution soumise au vote étant adoptée dès que le seuil du tiers des droits de vote des associé, présents ou représentés, est atteint ».

Devant cette rébellion de la Cour d’appel, un nouveau pourvoi en cassation était porté devant la Cour de cassation, cette fois réunie en Assemblée Plénière.

Dans un arrêt de principe du 15 novembre 2024, l’Assemblée Plénière réitère la position initiale de la Chambre commerciale, au visa notamment de l’article 1844 al. 1er du Code civil (« Tout associé a le droit de participer aux décisions collectives » :

« 10. Une décision collective d’associés ne peut être tenue pour adoptée que si elle rassemble en sa faveur le plus grand nombre de voix.

11. Toute autre règle conduirait à considérer que la collectivité des associés peut adopter, lors d’un même scrutin, deux décisions contraires.

12. La liberté contractuelle qui régit la société par actions simplifiée ne peut s’exercer que dans le respect de la règle énoncée au paragraphe 10.

13. Il s’en déduit que la décision collective d’associés d’une société par actions simplifiée, prévue par les statuts ou imposée par la loi, ne peut être valablement adoptée que si elle réunit au moins la majorité des voix exprimées, toute clause statutaire contraire étant réputée non écrite. »

Ainsi la liberté statutaire de la SAS trouve sa limite dans la nécessité d’instituer une règle d’adoption des résolutions collectives qui permette de départager les partisans des adversaires. Tel n’est pas le cas d’une règle statutaire qui permet l’adoption d’une décision ayant obtenu l’approbation inférieure à la majorité des voix.

En tout état de cause, la souplesse des SAS permet de mettre en place d’autres mécanismes qui permettent à un associé minoritaire de faire prévaloir sa position (droit de veto, actions de préférence, droit de vote multiple etc.).

Ass. Plén. 15 novembre 2024 n° 23-16.670

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