Droit civilDroit des sociétésVeille juridique

L’usufruitier n’est pas associé, mais… (épisode 2)

On se souvient que la chambre commerciale de la Cour de cassation a, dans un avis du 1er décembre 2021 (n° 20-15.164), affirmé « qu’il [résultait] de la combinaison [de l’article 578 du Code civil et de l’article 39 du décret 78-704 du 3 juillet 1978] que l’usufruitier de parts sociales ne peut se voir la qualité d’associé, qui n’appartient qu’au nu-propriétaire. » (voir notre article à ce sujet).

Mais la Cour de cassation confirmait que, bien que non associé, l’usufruitier n’était pas dépourvu de tout droit au sein de la société et pouvait provoquer une délibération des associés dans la mesure où « cette délibération est susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance des parts sociales ».

C’est dans la continuité de cet avis que se place l’arrêt rendu par la troisième chambre civile le 11 juillet 2024.

L’assemblée générale d’une SCI avait voté une augmentation de capital. Les usufruitiers de parts sociales de la SCI avaient contesté cette délibération.

La Cour d’appel avait déclaré la demande irrecevable car les statuts de la SCI stipulaient que « les usufruitiers sont irrecevables à contester toute décision collective quelle que soit sa forme, à l’exception des décisions collectives portant sur l’affectation des résultats« .

La Cour de cassation casse l’arrêt sous le visa des articles 578 du Code civil (définition de l’usufruit), 31 du Code de procédure civile (intérêt à agir) et 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme (droit au recours effectif) :

20. Si les statuts peuvent réserver le droit de vote aux associés sur les questions autres que celles relatives à l’affectation des bénéfices (Com., 31 mars 2024, pourvoi n° 03-16.694, Bull. civ. IV n° 70), ils ne peuvent, en revanche, priver l’usufruitier de parts sociales du droit de contester une délibération collective susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance. »

En déclarant irrecevables les actions des usufruitiers sans rechercher si les délibérations contestées étaient susceptibles de porter une atteinte au droit de jouissance des usufruitiers, la Cour d’appel a violé les textes rappelés ci-dessus.

Civ. 3e, 11 juillet 2024 n° 23-10.013

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *