Apport en société réalisé en fraude aux droits des créanciers
Lorsque son débiteur a réalisé un acte en fraude de ses droits, un créancier peut demander que cet acte lui soit déclaré inopposable. Cette action, dite paulienne, était prévue à l’ancien article 1167 du Code civil et figure désormais à l’article 1341-2 du Code civil. Si le principe est simple d’application lorsque l’acte litigieux emporte un appauvrissement du débiteur (libéralité), il est en revanche plus complexe si l’acte comporte une contrepartie, notamment en cas d’apport en société.
En 2002, une banque avait consenti un crédit à une société, et le dirigeant s’était porté caution solidaire de la société débitrice. En 2013, le dirigeant avait apporté à une SCI un immeuble dont il était propriétaire, puis en 2015 avait cédé la nue-propriété des parts sociales à une autre société. Entre temps, il avait été condamné en qualité de caution solidaire à régler une certaine somme à la banque. La banque avait sollicité « la nullité ou l’opposabilité », d’une part de l’apport, d’autre part de la cession.
Les juges du fond avaient rejeté cette demande : l’apport de l’immeuble ne constituait pas un acte d’appauvrissement du débiteur puisqu’en contrepartie de l’apport du bien immobilier, l’apporteur avait reçu des parts sociales de même valeur.
L’arrêt est cassé par la Cour de cassation :
En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la difficulté de négocier les parts sociales et le risque d’inscription d’hypothèques sur l’immeuble du chef de la SCI ne constituaient pas des facteurs de diminution de la valeur du gage du créancier et d’appauvrissement du débiteur, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
L’arrêt ne statue pas sur le sort de la cession de la nue-propriété des titres de la SCI, mais les mêmes principes devraient s’appliquer.