Droit des sociétésVeille juridique

Pas de droit de retrait pour l’associé de SARL

Les textes relatifs à certaines formes de sociétés prévoient le droit pour un associé de se retirer de la société. Il en va ainsi, notamment, de l’associé d’une société civile (art. 1869 du Code civil), de l’associé d’une société à capital variable, quelle que soit sa forme (art. L. 231-1 du Code de commerce), de l’associé d’une SNC qui aurait été révoqué de ses fonctions de gérant (art. L. 221-12 du Code de commerce). Mais dans ces cas, le droit de retrait est justifié par les caractéristiques intrinsèques de la société ou par une situation particulière ; il ne peut en être déduit l’existence générale d’un droit de retrait au profit de l’associé de toute société, comme l’a rappelé récemment la Cour de cassation.

Se plaignant d’avoir été privé de dividendes, l’associé minoritaire d’une SARL avait saisi les tribunaux afin de voir ordonner son retrait pour juste motif. L’action, fondée sur l’article 1869 du Code civil, avait été rejetée par les juges du fond.

Le demandeur demandait alors à la Cour de cassation de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité : en ne prévoyant pas de droit de retrait, les articles du Code de commerce relatifs à la SARL sont-ils « entachés d’une incompétence négative affectant le droit de propriété et le principe d’égalité devant la loi ? ».

La Cour de cassation rejette la demande de QPC, notamment en raison de l’absence de caractère sérieux de la question :

(…) l’absence de disposition légale permettant à un associé de se retirer d’une société à responsabilité limitée ne porte pas atteinte au droit de propriété dès lors que celui-dispose, en vertu de l’article L. 223-14, alinéa 1er, du code de commerce, de la faculté de céder ses parts sociales à un tiers et, en vertu de l’alinéa 3 de ce même texte, de la possibilité, en cas de refus d’agrément du cessionnaire, d’obliger les associés ou la société à acquérir ou à racheter ses parts à un prix fixé dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du code civil. (…)

10. Le fait que les dispositions applicables à certaines formes sociales consacrent un droit de retrait en faveur des associés tandis celles applicables aux autres, dont la société à responsabilité limité, ne le prévoient pas trouve sa justification dans les caractéristiques propres à chaque forme ou à chaque variété de société. Ainsi, il est de l’essence des sociétés à capital variable de permettre le libre retrait des associés ; de même le droit de retrait consacré par la loi pour les sociétés cotées vise à garantir la liquidité des titres. Inversement, le droit de retrait dans les sociétés civiles trouve sa justification dans le fort intuitus personae caractérisant cette forme et par la responsabilité indéfinie qui pèse sur chacun des associés. S’agissant, enfin, des sociétés en nom collectif, le droit de retrait est ouvert à l’associé gérant révoqué, cette révocation apparaissant incompatible avec le maintien de la qualité d’associé, eu égard à la responsabilité solidaire et indéfinie qui s’y attache.

11. Les associés des sociétés en responsabilité limité ne se trouvant pas placés dans des situations équivalentes à celles ainsi rappelées, l’absence de règles consacrant un droit de retrait à leur profit ne méconnaît pas le principe d’égalité devant la loi.

Com. 13 mars 2024 n° 23-20.199

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