SAS et avantages particuliers avant la loi Soilihi
Les statuts d’une société par actions peuvent stipuler des avantages particuliers, c’est-à-dire des droits spécifiques sur la société, réservés à certaines personnes, associés ou non, distincts des droits détenus par les autres associés. En cas de création d’avantages particuliers dans une société anonyme, une procédure de vérification préalable doit être suivie (articles L. 225-8 pour une constitution avec offre de titres au public, L. 225-14 pour une constitution sans offre au public, L. 225-147 pour une augmentation de capital).
La loi Soilihi (loi 2019-744 du 19 juillet 2019) a expressément écarté cette procédure lors de la constitution de la SAS, en ajoutant la référence à l’article L. 225-14 à la liste des textes relatifs aux SA non applicables aux SAS (article L. 227-1 al. 3). Dans un arrêt récent, la Chambre commerciale de la Cour de cassation apporte des précisions quant aux avantages particuliers créés lors de la constitution de SAS antérieures à l’entrée en vigueur de la loi Soilihi.
Une SAS avait été constituée entre deux associés. Le premier, en contrepartie d’un apport (vraisemblablement apport en nature d’un immeuble) évalué à 225 000 euros, avait reçu 2 225 actions de catégorie B, assorties d’un droit de vote simple ; le second, en contrepartie d’un apport en numéraire de 2 500 euros, avait reçu 25 actions de catégorie A, assorties d’un droit de vote multiple de 100 voix par action. En d’autres termes, l’associé ayant apporté 1% du capital bénéficiait de 53% des droits de vote, alors que l’associé qui avait apporté 99% du capital se retrouvait minoritaire en assemblée. Au décès de ce dernier, ses descendants contestent la validité des avantages accordés à l’autre associé.
La Cour d’appel ordonne la régularisation de la procédure des avantages particuliers et annuelle les décisions votées avant cette régularisation. Toutes les parties se pourvoient en cassation.
Aux principaux moyens soulevés, la Cour de cassation répond que :
- La procédure des avantages particuliers (article L. 225-14 du Code de commerce) n’est pas en soi incompatible avec les dispositions particulières régissant les SAS. En conséquence, elle n’était pas exclue par l’article L. 227-1 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi Soilihi.
- L’entrée en vigueur de la loi Soilihi n’a pas pour effet de régulariser l’irrégularité tenant au non-respect de la procédure des avantages particuliers, applicable jusqu’alors.
- Les actions assorties d’un droit de vote dérisoire ne peuvent être assimilées aux actions de préférence sans droit de vote, qui ne peuvent représenter que 50% du capital (art. L. 228-11 al. 3 du Code de commerce).
Com. 13 mars 2024 n° 22-12.205
NB : la procédure des avantages particuliers reste applicable s’il est stipulé de tels avantages lors de l’augmentation du capital d’une SAS.