Droit des sociétésVeille juridique

Responsabilité du gérant de SCI à l’égard des tiers

L’article 1850, al. 1er du Code civil définit le régime de la responsabilité civile du gérant de société civile :

Chaque gérant est responsable individuellement envers la société et envers les tiers, soit des infractions aux lois et règlements, soit de la violation des statuts, soit des fautes commises dans sa gestion.

A l’égard des tiers, la jurisprudence retient que la responsabilité personnelle du gérant ne peut être engagée que s’il a commis une faute séparable de ses fonctions, c’est-à-dire lorsqu’il a commis intentionnellement une faute d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales. En l’absence de texte spécial, l’action en responsabilité est soumise à la prescription quinquennale de l’article 2224 du Code civil. A l’inverse, pour les sociétés de capitaux, la prescription est triennale (SARL : article L. 223-23 du Code de commerce ; SA, SCA, SAS : article L. 225-254).

Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation (Com. 14 novembre 2023 n° 21-19.146), une personne était à la fois dirigeant d’une SCI et d’une SAS. La SCI avait vendu un immeuble à la SAS à un prix très supérieur à sa valeur vénale. La SAS avait ensuite fait l’objet d’une liquidation judiciaire, et le liquidateur judiciaire avait assigné le gérant de la SCI (ancien président de la SAS, donc) sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle.

Condamné par la cour d’appel, l’intéressé avait formé un pourvoi en cassation, invoquant l’article L. 223-23 du Code de commerce, qui dispose que les actions en responsabilité contre les gérants de SARL se prescrivent par trois ans. L’argument était étonnant dans la mesure où ce texte, spécial, n’avait, à l’évidence, pas vocation à s’appliquer à un dirigeant autre qu’un gérant de SARL.

La Cour rejette le pourvoi. Le fait, pour le dirigeant unique des deux sociétés, de vendre à l’une d’elles l’immeuble appartenant à l’autre à un prix manifestement excessif constitue pour le dirigeant (de la société venderesse) une faute engageant sa responsabilité civile à l’égard de la société acquéreur :

6. Après avoir relevé que les consentements réciproques des deux sociétés contractantes, toutes deux représentées par M. [N], leur dirigeant, ne pouvaient s’exprimer que par l’intermédiaire de ce dernier, l’arrêt retient qu’en prenant la décision de vendre un immeuble à la société Artois matériel à un prix dont il savait qu’il excédait très largement celui du marché, M. [N] a commis une faute dolosive engageant sa responsabilité civile envers cette société.

7. Ayant fait ainsi ressortir que M. [N] avait commis une faute séparable de ses fonctions de gérant de la SCI, venderesse, la cour d’appel a retenu à bon droit que l’action en responsabilité délictuelle exercée à son encontre par le liquidateur judiciaire de la société Artois matériel était soumise, en l’absence de disposition dérogatoire, au délai de prescription quinquennale de droit commun prévu à l’article 2224 du code civil.

Naturellement, la même faute aurait été également commise en qualité de dirigeant de la société acquéreur (et aurait de surcroît constitué un abus de biens sociaux), mais tout porte à croire que l’action en responsabilité civile n’aurait pas été introduite dans les délais.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *