SCI constructeur et garantie des vices cachés : un cocktail explosif
La personne qui réalise elle-même des travaux de construction est, selon une jurisprudence constante, assimilée à un vendeur professionnel. Et le vendeur professionnel ne peut s’exonérer de la garantie des vices cachés (exonération qui est courante lorsque le vendeur est un non professionnel, cf. article 1643 du Code civil). Mais qu’en est-il si le vendeur est une SCI, dont les titres ont été cédés ou le gérant a changé depuis la réalisation des travaux ?
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation le 19 octobre 2023 (n° 22-15.536), une SCI avait réalisé d’importants travaux sur une maison d’habitation. Les parts sociales avaient ensuite été cédées et la société avait changé de gérant. Enfin, la SCI, représentée par son nouveau gérant, avait cédé la maison à un tiers. L’acte de vente comportait une clause d’exonération de la garantie des vices cachés. L’acquéreur s’était ensuite plaint de très importants désordres.
La Cour d’appel (Limoges, 10 février 2022) avait rejeté la demande de l’acquéreur au motif qu’il ne prouvait pas que la SCI avait connaissance du vice caché, ce qui aurait justifié d’écarter la clause excluant la garantie.
Arrêt cassé par la Cour de cassation :
(…) le vendeur professionnel, auquel est assimilé le vendeur qui a réalisé lui-même les travaux à l’origine des vices de la chose vendue, est tenu de les connaître et ne peut se prévaloir d’une clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés (…).
Pour rejeter les demandes indemnitaires de l’acquéreur, l’arrêt retient qu’il ne rapporte pas la preuve que la SCI avait connaissance du vice caché affectant l’immeuble à la date de sa vente et que celle-ci est donc fondée à lui opposer la clause de non-garantie figurant dans l’acte de vente.
En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la SCI avait elle-même réalisé les travaux à l’origine des désordres affectant le bien vendu, peu important les changements survenus quant à l’identité de ses associés et gérants, de sorte qu’elle s’était comportée en constructeur et devait être présumée avoir connaissance du vice, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
Si l’enjeu de l’arrêt dépasse le seul droit des sociétés, on retiendra la mention sibylline des changements dans l’identité des associés et gérants, dont la Cour précise qu’ils sont sans effet sur la solution du litige : la qualité de vendeur professionnel s’apprécie au niveau de la personne morale, et non du gérant ou des associés qui auraient eu cette qualité (ou qui l’auraient acquise en ayant réalisé les travaux). La personnalité juridique de la société fait donc écran.