Faux procès-verbaux vs. portée de la publicité légale
Afin d’assurer la sécurité juridique des transactions, un certain nombre de décisions des sociétés doivent être publiées, et cette publication fait foi à l’égard des tiers. Il en va ainsi de la désignation du gérant de société civile, ainsi qu’il ressort de l’article 1846-2 du Code civil :
La nomination et la cessation de fonction des gérants doivent être publiées.
Ni la société, ni les tiers ne peuvent, pour se soustraire à leurs engagements, se prévaloir d’une irrégularité dans la nomination des gérants ou dans la cessation de leurs fonctions, dès lors que ces décisions ont été régulièrement publiées.
Mais, si la décision publiée est un faux (fausse signature d’un procès-verbal), ce vice constitue-t-il une irrégularité inopposable en application de ce texte ? Ou bien la décision est-elle inexistante, ce qui justifierait que l’opposabilité de la publicité légale soit écartée ?
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation (Civ. 3e, 26 octobre 2023 n° 21-17.937), une société civile d’exploitation agricole (SCEA) avait consenti, puis renouvelé des baux au profit d’un preneur. La SCEA avait ensuite contesté la validité des baux au motif que la décision de nomination de son gérant était un faux, et sollicité l’expulsion du preneur. La Cour d’appel avait rejeté ses prétentions, et la Cour de cassation lui donne raison aux motifs suivants :
- En premier lieu, la Cour repousse l’argument selon lequel la décision de désignation, reposant sur un faux procès-verbal, serait inexistante. Une telle décision est irrégulière, au sens de l’article 1846-2 ; en conséquence la sécurité juridique des tiers est assurée par application de la publicité légale prévue par le texte.
- En second lieu, la Cour rappelle que « seule l’existence d’une collusion frauduleuse entre le gérant désigné et le tiers est de nature à priver d’effet l’opposabilité qui découle, en principe, de la publicité légale« , la fraude ne résultant pas uniquement de la falsification du procès-verbal. En outre, la seule connaissance par le tiers de l’irrégularité de la nomination du gérant ne justifie pas l’inopposabilité de la publicité légale.
Il appartenait donc à la partie intéressée d’agir d’abord en annulation de la décision de désignation du gérant, puis, le cas échéant, de rechercher sa responsabilité.
La solution est extensible aux sociétés commerciales, sur le fondement de l’article L. 210-9 du Code de commerce.