Décisions collectives : l’unanimité exclut l’abus de majorité
Une jurisprudence constante qualifie d’abus de majorité les décisions, adoptées par les associés majoritaires, qui s’avèrent contraires à l’intérêt social et qui ont pour unique dessein que de favoriser les intérêts des majoritaires, au détriment des autres associés. Les exemples sont nombreux, particulièrement dans le domaine des rémunérations ou des primes que s’octroient les dirigeants majoritaires.
C’est justement sur un tel sujet qu’a statué la chambre commerciale de la Cour de cassation le 8 novembre 2023 (22-13.851). Une SARL était détenue par deux associés dont le majoritaire était gérant. Alors que les associés s’étaient engagés à céder leurs titres à un tiers, l’assemblée générale, à l’unanimité, octroyait au gérant des rémunérations très substantielles.
Après la réalisation de la cession des parts sociales, le nouvel associé avait refusé de payer ces rémunérations. Le cédant avait donc porté l’affaire en justice. Devant la juridiction du fond, le cessionnaire estimait que la décision par laquelle les associés avaient octroyé de substantiels émoluments à l’un d’eux était nulle comme entachée d’abus de majorité. La cour d’appel, statuant sur renvoi après cassation, avait condamné la société à régler les rémunérations contestée. Dans son pourvoi, le cessionnaire estimait que l’abus de majorité était constitué même si le minoritaire avait statué en faveur de la résolution contestée. En d’autres termes, une résolution adoptée à l’unanimité pouvait constituer un abus de majorité.
Argument rejeté sèchement par la Cour de cassation :
Réponse de la Cour
- Une décision prise à l’unanimité des associés ne peut être constitutive d’un abus de majorité.
- Le moyen, qui postule le contraire, n’est donc pas fondé.
Une décision lapidaire, qui peut étonner : la Cour de cassation a déjà jugé que des personnes qui avaient voté en faveur d’une résolution pouvaient la contester sur le fondement de l’abus de majorité ; ce n’est donc pas le vote minoritaire qui régularise la résolution.
En revanche, le cessionnaire aurait pu fonder son action sur d’autres fondements, notamment sur les déclarations et garanties fournies par les cédants préalablement à la vente.