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Révocation d’un cogérant : attention au juste motif.

Les sociétés de personnes (sociétés civiles, en nom collectif ou à responsabilité limitée) sont représentées par un ou plusieurs gérants. En cas de pluralité de gérant, chacun a le pouvoir d’engager seul la société, mais chacun des autres cogérants peut s’opposer aux actes de l’un d’eux, sous certaines conditions restrictives (art. 1849 du Code civil pour les sociétés civiles, L. 221-4 du Code de commerce pour les SNC, L. 223-18 pour les SARL).

Néanmoins, en présence de cogérants, la répartition des tâches et la dilution de la responsabilité qui s’ensuit posent une difficulté en cas de révocation. En effet, la révocation du gérant nécessite un « juste motif ». Mais s’ils sont plusieurs, peut-on n’en révoquer qu’un seul, ou les associés doivent-ils tous les révoquer ?

Dans une SARL comptant trois associés gérants, l’un d’eux est révoqué de ses fonctions en raison d’irrégularités comptables. Il conteste cette révocation, qu’il estime dénuée de justes motifs.

La Cour d’appel de Riom (26 avril 2023, n° 21.01106) lui donne raison :

Les reproches formulés à l’encontre de M. [E] imposent de connaître quelles étaient ses obligations puisqu’il est affirmé qu’il était en charge de toutes les obligations comptables et légales de la société.
Les statuts sont muets sur la répartition des charges entre cogérants étant rappelé que chaque associé a la qualité de cogérant.
Ainsi que l’a justement indiqué le tribunal, chaque gérant disposait donc en application des dispositions de l’article L221-4 du code de commerce de la faculté de faire tous actes de gestion dans l’intérêt de la société, sauf le droit pour chacun des cogérants de s’opposer à toute opération avant qu’elle soit conclue.

La Cour relève également que l’intéressé n’était pas le seul en charge de la comptabilité, et que son statut de gérant n’impliquait pas qu’il le soit.

Ainsi, dès lors que, faute de précision (statutaire ou extrastatutaire) sur la répartition des rôles de chacun des gérants, il n’était pas possible de révoquer l’un d’entre eux pour des manquements aux obligations comptables qui incombaient à tous. La révocation est, dès lors, dénuée de justes motifs.

La solution aurait été différente :

  • si la répartition des tâches avait été clairement établie entre les cogérants (et si le cogérant révoqué avait été seul en charge de la comptabilité),
  • si la révocation était justifiée par des actes positifs du gérant révoqué (présentation de comptes erronés par exemple).

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