Défaut de nomination du CAC : quelles sanctions ?
Le commissaire aux comptes a pour mission légale de vérifier la régularité et la sincérité des documents comptables de la société, ainsi que de contrôler leur conformité aux règles en vigueur.
Depuis 2019, les sociétés ont l’obligation de désigner un commissaire aux comptes dans deux cas principaux :
- Lorsque cette désignation est demandée par un ou plusieurs associés représentant au moins un tiers du capital,
- Lorsqu’elles dépassent deux des trois seuils suivants à la clôture d’un exercice : total de bilan supérieur à 4 000 000 €, chiffre d’affaires HT supérieur à 8 000 000 €, nombre moyen de salariés supérieur à 50 (art. D. 221-5 du Code de commerce). Dans le cas d’un groupe de société, l’obligation s’applique à la société contrôlante lorsque le cumul des chiffres du groupe dépasse deux des trois seuils ci-dessus. Une société contrôlée devra également désigner un commissaire aux comptes si elle dépasse des seuils équivalant à la moitié de ceux exposés ci-dessus (art. D. 823-1-1 du Code de commerce).
Le défaut de nomination d’un commissaire aux comptes est sanctionné :
- D’une part, par des sanctions pénales (amende et emprisonnement, art. L. 820-4 du Code de commerce),
- D’autre part, par la nullité des décisions collectives des associés (art. L. 820-3-1 du Code de commerce).
C’est sur ce dernier point que la Chambre commerciale de la Cour de cassation est venue apporter des précisions importantes, dans un arrêt du 21 juin 2023 publié au bulletin.
En l’occurrence, l’assemblée générale ordinaire d’une SARL avait révoqué l’un des cogérants de la société. Ce dernier avait assigné la société en annulation de la délibération, au motif du défaut de désignation d’un commissaire aux comptes suppléant.
En premier lieu, le pourvoi prétendait que la nullité des décisions collectives faute de désignation du CAC ne vise que les délibérations de l’AGO devant figurer dans le rapport sur les comptes annuels ; a contrario, la délibération de l’AGO portant sur un autre sujet, en l’occurrence la révocation d’un gérant, ne nécessitait pas la convocation du CAC. L’argument ne manquait pas de pertinence, une partie de la doctrine soutenant que seules les questions ayant un aspect comptable pouvaient être annulées à défaut de nomination du CAC.
La Cour de cassation rejette cet argument : le texte ne distinguant pas, la nullité s’applique à toutes les délibérations des assemblées générales ordinaires, quelles qu’elles soient, et qu’elles figurent ou non dans le rapport sur les comptes annuels.
En second lieu, la Cour de cassation juge que la nullité prévue à l’article 820-3-1 du Code de commerce s’applique dans tous les cas où la société est tenue de désigner un CAC, y compris lorsque cette désignation résulte de la volonté des associés (et, a contrario, pas uniquement lorsque la loi en fait l’obligation).
Enfin, la Cour écarte l’application de la nullité en cas de défaut de nomination d’un CAC suppléant, qui, bien que prévue par la loi lorsque le titulaire est une personne physique (art. L. 823-1 du Code de commerce) n’a « pas pour effet de priver les actionnaires ou les associés de la protection » que leur accorde la présence d’un CAC (quand bien même les statuts prévoyaient que les associés étaient tenus de désigner un commissaire aux comptes suppléant).
Rappelons pour conclure qu’une fois le commissaire aux comptes nommé, celui-ci doit être convoqué à toutes les réunions des organes d’administration (conseil d’administration, conseil de surveillance, directoire) qui administrent ou arrêtent les comptes, ainsi qu’à toutes les assemblées d’actionnaires ou d’associés (art. L. 823-17 du Code de commerce), et ce à peine de sanctions pénales (art. 820-4, 1° du Code de commerce).