SAS : l’exclusion n’est pas une cession au sens de l’article L. 227-15
Si le régime juridique de la SAS est réputé pour être celui de la liberté contractuelle, il est aussi, corrélativement, un terrain à risque. On a pu le voir à propos de l’articulation entre statuts et pactes d’associés, en voici un nouvel exemple, cette fois à l’occasion de la coexistence d’une clause statutaire d’exclusion et d’une clause extrastatutaire, organisant le rachat forcé en cas de difficultés. Et la différence entre les deux régimes est parfois ténue.
Dans l’espèce soumise à la Cour, les statuts de la société comportaient un article intitulé « exclusion pour manquement aux obligations professionnelles ». Par ailleurs, les associés avaient conclu un pacte dont une clause disposait qu’en cas de non-respect par une partie de ses engagements, la partie victime pouvait mettre en demeure la partie fautive, soit de lui céder la totalité de ses titres, soit d’acquérir la totalité de ses titres (clause « shotgun »).
L’un des associés ayant actionné cette clause, l’autre avait résisté en prétendant que la cession était condamnée par l’application de l’article L. 227-15 du Code de commerce, aux termes duquel « toute cession effectuée en violation des clauses statutaires est nulle ».
Suivant les arguments du défendeur, la Cour d’appel de Douai avait prononcé la nullité de la cession. Selon l’arrêt, la clause de cession forcée prévue au pacte d’associés s’analysait en réalité une clause d’exclusion ; or, cette clause, ayant un champ beaucoup plus large que la clause d’exclusion statutaire, contrevenait aux statuts ; partant la cession prise en son application devait donc être annulée sur le fondement de l’article L. 227-15.
La Cour de cassation casse l’arrêt :
« l’article L. 227-15 du Code de commerce ne régit pas l’exclusion d’un associé et la cession forcée de ses actions qui en résulte, la nullité qu’il prévoit vise uniquement à sanctionner la violation de toute clause statutaire ayant pour objet la cession d’actions librement consentie par leur titulaire. »
L’arrêt vient compléter la jurisprudence de la Cour de cassation sur la distinction entre l’exclusion et la cession forcée, qui n’ont ni le même objet (exclure un associé / cession des titres), ni la même nature (exclusion / promesse de vente).
D’une part, la clause « shotgun » n’étant pas une clause d’exclusion, elle n’entrait pas en contradiction avec la clause d’exclusion statutaire. D’autre part, la nullité de l’article L. 227-15 ne s’applique qu’en cas de violation de clauses statutaires encadrant les cessions « librement consenties », à l’exception des clauses d’exclusion. Une cession d’actions prise en application de la clause extrastatutaire, quand bien même elle serait entrée en contradiction avec la clause d’exclusion, ne pouvait donc encourir la nullité de l’article L. 227-15.