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Le pacte d’associés peut être conclu pour la durée de la société

Quelle durée pour le pacte d’associés ? A l’instar de tout contrat, s’il est à durée limitée, le pacte ne peut pas être résilié avant son terme. Au contraire, s’il est conclu pour une durée indéterminée, il peut être résilié unilatéralement à tout moment. Mais le pacte conclu pour la durée de la société (99 ans, prorogeable ad libitum) est-il vraiment à durée déterminée ? C’est ce qu’a dû trancher la Cour de cassation dans son arrêt du 25 janvier 2023.

Dans l’affaire soumise à la Cour, le dirigeant d’une société avait conclu un pacte d’associé avec ses cinq enfants, destiné, d’une part, à maintenir le caractère familial de la société, d’autre part, à en pérenniser l’activité et la gestion.

Ce pacte était conclu pour la durée de la société, avec une reconduction automatique en cas de prorogation de la société. Estimant que cette clause équivalait à une durée indéterminée, deux associés avaient néanmoins notifié la résolution unilatérale du pacte d’associés.

Devant les juridictions, le contentieux portait sur deux aspects du pacte.

En premier lieu était invoquée la prohibition des pactes sur succession future : un article prévoyant les modalités de remboursement du compte courant au décès de l’associé. L’argument est rejeté par la Cour d’appel, ce que confirme la Cour de cassation : cet article ne portait pas spécifiquement sur des biens de la succession, mais faisait partie des multiples mesures de gestion destinées à pérenniser le groupe après le décès du fondateur.

En second lieu, la validité du pacte était contestée sur le fondement de la prohibition des engagements perpétuels (art. 1210 du Code civil). Or, si le pacte est conclu « pour la durée de vie de la société », celle-ci peut se prolonger autant de fois que les associés le décideront…

La Cour d’appel avait accueilli cet argument et jugé que les associés ne pourraient sortir du pacte qu’à un âge particulièrement avancé (entre 79 et 96 ans), ce qui leur ôtait toute possibilité réelle de sortir du pacte. En conséquence, le pacte devait être considéré comme à durée indéterminée, et était donc résiliable unilatéralement à tout moment (art. 1211 du Code civil).

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel : « la prohibition des engagements perpétuels n’interdit pas de conclure un pacte d’associés pour la durée de vie de la société, de sorte que les parties ne peuvent y mettre fin unilatéralement ».

Si l’autorité de cet arrêt (délibéré également par la Chambre commerciale, le fait est assez rare pour être souligné) est inversement proportionnelle à sa motivation (sont seuls visés les articles 1134 – ancien – et 1838 du Code civil), la solution retenue est de nature à conforter la validité des actes et la sécurité juridique des associés

Civ. 1e, 25 janvier 2023 n° 19-25.478

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