Distribuer un dividende à un seul associé n’est pas donner.
Si les résultats d’une société sont habituellement attribués à proportion de la part de chaque associé dans le capital social (art. 1844-1 du Code civil), l’assemblée générale appelée à statuer sur l’affectation du résultat peut décider d’une répartition différente. L’associé qui ne bénéficie pas du dividende doit alors y consentir expressément.
La Cour d’appel de Paris a été amenée à se prononcer sur la qualification fiscale de ce dividende exceptionnel, et notamment sur son caractère de donation indirecte.
En l’espèce, le capital d’une SARL était détenu, à 55% par une personne physique, à 45% par une autre société. Lors d’une assemblée générale annuelle, les associés avaient décidé de distribuer partiellement le résultat (soit environ 40%, le solde étant mis en réserve).
En outre, l’assemblée avait à l’unanimité décidé ce qui suit : « de convention expresse entre les associés, la distribution de dividende susvisée (…) est, à titre exceptionnel, intégralement réservée à [la société bénéficiaire] ».
Considérant que cette distribution de dividende constituait une donation entre les associés, l’administration fiscale a adressé à la société bénéficiaire une proposition de rectification, assujettissant aux droits de mutation à titre gratuit un montant équivalent à la part qui aurait dû, statutairement, revenir à l’autre associé. Proposition contestée par le contribuable.
Confirmant la décision du Tribunal judiciaire de Paris, la Cour d’appel donne raison au contribuable (arrêt du 9 janvier 2023).
En premier lieu, la Cour relève que la décision de réserver les dividendes n’a pas été prise par l’associé prétendument donateur, mais par l’assemblée générale.
Ensuite, la Cour estime qu’il n’est pas établi que l’associé non bénéficiaire des dividendes se serait « dépouillé » (selon la définition de l’article 894 du Code civil) au profit de l’autre associé. Elle relève notamment le fait que la distribution n’est que partielle, et ne comprend pas l’intégralité des résultats ayant vocation à être versés aux associés.
La Cour conclut en donc que le dividende attribué exclusivement à l’un des associés ne constitue pas une donation consentie par l’autre associé.