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Société civile : annulation de la décision prise sans respecter les statuts

Dans les sociétés civiles, « les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus au gérant sont prises selon les dispositions statutaires ou, en l’absence de telles dispositions, à l’unanimité des associés » (article 1852 du Code civil). S’il est certain qu’en l’absence de dispositions statutaires, la violation du principe d’unanimité est sanctionnée par la nullité, en va-t-il de même lorsqu’une décision est prise en violation d’une règle statutaire qui déroge à l’unanimité ?

Dans un arrêt du 12 octobre 2022, la Chambre commerciale rappelle qu’une décision adoptée par les associés sans respecter les règles fixées par les statuts encourt la nullité.

Les statuts d’un Groupement Foncier Agricole (GFA, qui est une forme spécifique de société civile) stipulaient que les décisions extraordinaires devaient être adoptées « par la majorité en nombre des associés présents ou représentés, représentant au moins les trois quarts du capital social ».

Lors d’une assemblée générale à laquelle tous les associés étaient présents ou représentés, des décisions avaient recueilli cinq voix contre quatre, mais les cinq associés qui avaient voté en faveur du projet ne détenaient pas les trois quarts du capital. L’un des associés sollicitait l’annulation des délibérations ; selon lui, les statuts instauraient une règle de double majorité (la décision devait recueillir les voix de la majorité en nombre des associés présents ou représentés ainsi que les voix des associés représentant les trois quarts du capital).

Se fondant sur une lecture différente des statuts, le GFA estimait que la clause posait une règle de quorum (les trois quarts du capital devaient s’être exprimés) et une règle de majorité (majorité en nombre des associés présents et représentés).

La Cour d’appel de Dijon donne raison au GFA ; d’une part, la clause litigieuse instituait bien d’une part une règle de quorum, d’autre part une règle de majorité. Et, juge la Cour, la délibération ne pouvait en tout état de cause encourir la nullité, seule la violation d’une disposition impérative pouvant entraîner l’annulation (article 1844-10 du Code civil).

La Cour de cassation rejette le pourvoi sur le fond, la Cour d’appel ayant souverainement interprété la clause statutaire. Néanmoins, la Cour de cassation s’oppose (dans des termes certes peu explicites) à l’interprétation de la Cour d’appel : la violation de la clause statutaire organisant les décisions collectives était bien sanctionnée par la nullité.

Au-delà des désaccords entre associés, c’est l’ambiguïté des statuts qui a mis en péril le fonctionnement de la société. Notons d’ailleurs que dans une affaire similaire et en présence d’une clause identique, une autre Cour d’appel avait jugé (contrairement à notre espèce) que les statuts prévoyaient une règle de double majorité. La plus grande attention doit donc être apportée à la rédaction des clause statutaires régissant les décisions collectives des associés.

Cass. Com., 12 octobre 2022 n° 21-15.407

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