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SAS : les décisions collectives ne peuvent être adoptées à la minorité des voix

Illustrant la liberté contractuelle qui régit l’organisation de la SAS, l’article L. 227-9 du Code de commerce pose comme principe que « les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu’ils prévoient ». Ce principe est ensuite tempéré, certaines décisions (augmentation ou réduction de capital, fusion, transformation…) relevant de la compétence de la collectivité des associés, mais cette limite laisse une large place à l’imagination des rédacteurs. Encore faut-il qu’une certaine logique soit respectée, ainsi qu’en témoigne l’arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 19 janvier 2022.

Dans l’affaire soumise à la Cour, les statuts de la SAS stipulaient que « les décisions collectives des associés [étaient] adoptées à la majorité du tiers des droits de vote des associés, présents ou représentés, habilités à prendre part au vote considéré ». En application dudit article, l’assemblée générale avait décidé d’augmenter le capital de la société, mais la résolution avait été adoptée par 229 313 voix, contre 269 185 voix opposées.

Naturellement, l’un des associés qui s’opposait à la résolution porta l’affaire devant le juge. En effet, si le nombre de voix exprimées pour la résolution remplissait bien la condition posée par les statuts (vote à la majorité d’un tiers), les votes contre atteignaient également (et même davantage) cette « majorité », de sorte que la résolution pouvait être à la fois adoptée et rejetée ! La Cour d’appel de Paris l’avait débouté de sa demande, au motif que la résolution avait été adoptée conformément aux stipulations statutaires.

L’arrêt est cassé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation : « en statuant ainsi, alors que, nonobstant les stipulations contraires des statuts, les résolutions ne peuvent être adoptées par un nombre de voix inférieur à la majorité simple des votes exprimés, la cour d’appel a violé » l’article L. 227-9 du Code de commerce.

Certes, l’adoption d’une décision à la minorité peut s’avérer utile dans certains cas. Ainsi, elle permet d’offrir à un associé (par exemple un partenaire financier) un pouvoir plus important que celui résultant d’un simple droit de veto, purement négatif ; de même, si la résolution proposée comporte plusieurs options, il peut être envisageable de faire prévaloir celle des options qui obtient le plus de suffrages, quand bien même elle n’aurait pas recueilli la majorité des droits de vote.

Mais, selon la Cour de cassation, la clause statutaire ne peut avoir pour effet de permettre à une minorité de faire prévaloir son choix sur celui de la majorité (« cette liberté dans la rédaction des statuts trouve sa limite dans la nécessité d’instituer une règle d’adoption des résolutions soumises à l’examen collectif des associés qui permette d’en départager les partisans et ses adversaires »).

A l’adoption des décisions par la minorité, on préférera donc d’autres mécanismes qui permettent à un minoritaire de faire prévaloir sa position (actions de préférence, droit de vote double etc.).

Cour de cassation, chambre commerciale, 19 janvier 2022 n° 19-12.696

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