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Réduction de capital non motivée par des pertes : attention à l’abus de droit…

Lors de sa séance du 18 novembre 2021, Le Comité de l’abus de droit fiscal s’est penché sur le cas de deux sociétés qui, par le moyen d’une réduction de capital, avaient permis à leurs associés d’appréhender sous un régime fiscal favorable, des montants substantiels placés en réserve.

Dans les deux cas, les associés avaient appliqué l’article 112, 6° du Code général des impôts, qui dispose que « ne sont pas considéré[e]s comme revenus distribués les sommes ou valeurs attribuées aux associés ou actionnaires au titre du rachat de leurs parts ou actions. Le régime des plus-values prévu, selon les cas, aux articles 39 duodecies, 150-0 A ou 150 UB est alors applicable ».

Les associés avaient donc pu bénéficier des abattements pour durée de détention spécifiques aux plus-values sur titres des particuliers (au taux de 65% dans un cas, 85% dans l’autre), traitement bien plus favorable que s’ils avaient procédé à une distribution de dividende (à l’époque soumis au barème de l’IR après un abattement de 40%).

L’administration avait estimé, dans les deux cas, que la réduction de capital n’avait aucune justification économique et avait pour seul objet de permettre aux associés de s’attribuer la trésorerie excédentaire des sociétés. En conséquence, les sommes perçues devaient être imposées en tant que revenus de capitaux mobiliers. Elle avait donc mis en œuvre la procédure de répression de l’abus de droit.

Dans les deux espèces, le Comité rappelle que le choix par le contribuable de la voie la moins imposée ne constitue pas un abus de droit, sauf à ce que l’administration établisse un montage artificiel contraire aux objectifs du législateur. Il relève dans les deux cas que l’opération était justifiée par l’objectif de transmission à terme des sociétés, et que la trésorerie excessive desdites sociétés pouvait justifier le recours à la réduction de capital. En conséquence, le Comité estime que l’administration, qui n’établissait pas le caractère artificiel de l’opération, n’était pas fondée à mettre en œuvre la procédure d’abus de droit.

Dans les deux cas, l’administration a annoncé ne pas suivre l’avis du comité « dans la mesure où l’opération ne répond à aucun des motifs poursuivis par une réduction de capital autre que celui d’appréhender les réserves de la société sous le régime fiscal plus favorable des plus-values. La perspective, purement éventuelle à la date de l’opération, d’une transmission à terme de l’entreprise est sans incidence sur ce constat ».

Pour mémoire, l’article 112, 6°, dans sa rédaction actuelle, a remplacé un régime d’imposition hybride, où les produits tirés de la réduction de capital étaient imposés, pour partie comme revenu distribué, pour partie comme plus-value (régime déclaré non conforme à la constitution par le Conseil constitutionnel – décision 20140-404 QPC du 20 juin 2014). Mais en aucun cas son champ d’application n’a été limité à quelques circonstances particulières. On ne peut donc que regretter que l’administration n’ait pas fait sienne la position du Comité et, finalement, pénalise le contribuable qui fait le choix de la voix la moins imposée, comme il en a parfaitement le droit.

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