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SCI et dissolution pour mésentente entre associés : à la recherche du juste motif

L’article 1844-7, 5° du Code civil dispose que la société prend fin « par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d’un associé pour justes motifs, notamment en cas d’inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ».

La notion de justes motifs a donné lieu depuis des décennies à une jurisprudence abondante, et parfois d’une étonnante sévérité, en témoigne l’arrêt rendu par la Troisième chambre civile de la Cour de cassation le 17 novembre 2021 (n° 19-13.255).

Notamment, l’exigence d’une paralysie du fonctionnement de la société semble particulièrement difficile à caractériser.

Dans cette affaire, le capital de la SCI était réparti entre un gérant majoritaire et un associé minoritaire. Après que la société a revendu un actif social à une autre société détenue par le gérant majoritaire, le minoritaire avait assigné la société en annulation pour abus de majorité de l’assemblée générale autorisant la vente et indemnisation de son préjudice. Il avait également sollicité la dissolution pour justes motifs. Un administrateur ad hoc avait été désigné.

La Cour d’appel (Toulouse, 28 novembre 2018) avait fait droit à la demande en dissolution anticipée, retenant notamment l’absence de convocation de l’assemblée générale depuis plusieurs années, l’existence d’opérations graves sur le patrimoine social décidées par le seul gérant, l’arrêt de la distribution de dividendes au minoritaire ainsi que l’abus de majorité constitué par l’adoption de résolutions contraires à l’intérêt social. La Cour en déduit « qu’il ne peut être considéré, dans de telles conditions, que la société, dans laquelle il n’existe plus aucun affectio societatis, fonctionne normalement et qu’en conséquence, il existe de justes motifs de prononcer la dissolution de la SCI ».

Arrêt cassé par la Troisième chambre civile car « en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir une paralysie du fonctionnement de la société, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

A l’évidence la situation factuelle relevée par les juges du fond rendait impossible la poursuite de la vie sociale, et c’est une situation que l’on rencontre régulièrement notamment dans des contextes de séparation familiale ou professionnelle ; néanmoins, la société n’étant pas « paralysée », selon les termes du texte, sa dissolution anticipée ne pouvait être prononcée judiciairement.

Bien qu’on l’oublie fréquemment, la prévision d’éventuels futurs conflits entre associés est une nécessité lors de la mise en place des pactes, statutaires ou non : prévoir en amont des engagements de rachat, des clauses d’arbitrage, des conditions préalables de sortie etc. ne peut que simplifier la gestion de situations déjà compliquées par une mésentente personnelle. Mais l’affectio societatis rend parfois aveugle…

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